Quand le baby-foot remplace le tableau Excel : management QHSE et illusions de contrôle

Quand le baby-foot remplace le tableau Excel : management QHSE et illusions de contrôle
Dans de nombreuses PME, la culture d'entreprise se veut décontractée : un baby-foot trône dans l’open space, les afterworks sont réguliers et les tutos bien-être fleurissent sur Teams. Mais derrière cette apparente convivialité se cache parfois une réalité moins reluisante où les indicateurs QHSE sont approximatifs, les audits bâclés et les incidents minimisés. Le management QHSE glisse alors d’un pilotage rigoureux vers une illusion de maîtrise. Résultat : les risques augmentent, les équipes se démobilisent, et les écarts non traités coûtent cher à long terme.
La convivialité ne remplace pas le pilotage
Il est rassurant pour un dirigeant de penser que les bonnes relations au sein de l’équipe suffisent à garantir un environnement sain et sécurisé. À force d’associer le bien-être au travail à la simple présence d’un bon climat social ou de petits avantages ludiques, certains managers négligent un principe fondamental : la performance QHSE n’est pas une question d’ambiance, mais de structure, de méthode, et de suivi.
Le management QHSE n’a rien d’abstrait ou de secondaire. Il s'agit d'un levier stratégique pour maîtriser les risques, améliorer les performances opérationnelles et renforcer la conformité réglementaire. Or, dans trop d’organisations, les processus qualité, hygiène, sécurité et environnement (QHSE) sont relégués au second plan, ou considérés comme des contraintes administratives. En l'absence d’une structure de pilotage fiable, on se raccroche à la culture d’entreprise “positive” pour masquer un déficit de données et d’analyse.
Mais un bon esprit d’équipe ne remplace ni une analyse de risques, ni un plan d’action documenté, ni un audit interne structuré. Une entreprise peut, paradoxalement, avoir des collaborateurs motivés et épanouis… et accumuler des non-conformités en toute ignorance. L’illusion est confortable à court terme ; elle est coûteuse à long terme.
Les faux indicateurs qui rassurent à tort
Un autre piège fréquent dans le management QHSE des PME est la mise en place d’indicateurs qui donnent une impression de contrôle tout en étant détachés de la réalité terrain. Prenons l’exemple classique d’un taux d’accidents du travail déclaré à zéro depuis plusieurs années. Faut-il s’en féliciter ou s’inquiéter ? En l'absence de remontées d’incidents bénins, de situations dangereuses ou de presque-accidents remontés, un tel chiffre est suspect.
De même, se concentrer uniquement sur le taux de formations suivies, sans vérifier leur pertinence ou leur mise en application, revient à cocher des cases sans véritable impact. Les indicateurs RH et QHSE doivent être un outil de pilotage, pas un miroir flatteur. Or, quand on confond indicateur et objectif, on finit par manipuler les chiffres au lieu de la réalité.
C’est souvent là que le rôle des responsables QHSE ou RH est détourné : ils passent plus de temps à produire des tableaux Excel que personne ne lit vraiment qu’à analyser les signaux faibles, investiguer les anomalies ou relancer les actions en souffrance. Ce n’est pas une question de compétence, mais de gouvernance. Lorsqu’un indicateur de performance n’est jamais remis en question, il devient une façade. Et la façade s’effondre dès que le réel (accident, audit externe, crise) la percute.
Réinsuffler du sens dans le management QHSE
Sortir de cette logique d’illusion exige de replacer le QHSE au cœur du fonctionnement quotidien, non comme une contrainte administrative, mais comme un levier de progrès partagé. Cela passe d’abord par un changement de posture : la vigilance, la traçabilité, le retour d’expérience ne doivent pas être perçus comme des fardeaux, mais comme des réflexes professionnels valorisés.
Il est également essentiel de reconnecter les indicateurs à des objectifs opérationnels concrets : réduire le taux de rebuts de production, fiabiliser les contrôles de sécurité, améliorer les conditions de travail réelles au poste, etc. Ces objectifs doivent être portés par la direction, compris des équipes, et suivis avec rigueur.
Enfin, la transparence est un ingrédient clé. Mieux vaut identifier une situation à risque que de la masquer. Mieux vaut avoir un plan d’action imparfait mais existant, qu’un “RAS” stérile. Le rôle du management QHSE est moins de produire de la statistique que de faire vivre une dynamique d’amélioration continue, en lien avec les réalités de terrain. Et cela exige du courage managérial, bien plus que du greenwashing organisationnel.
En somme, la véritable culture d’entreprise n’est pas celle du baby-foot ou des pots entre collègues. C’est celle où chacun sait repérer les écarts, les signaler sans crainte, et contribuer à leur traitement. C’est seulement à ce prix que la performance durable peut émerger, et pas sous une couche de vernis bien-être.
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