Le syndrome de la fiche Excel : quand la conformité tue l’action
Le syndrome de la fiche Excel : quand la conformité tue l’action
Derrière des armées de tableurs et des documents impeccablement remplis se cache parfois un grand vide : celui de l’impact terrain. La conformité a pris tant de place qu’elle en paralyse parfois l’essence même de la démarche QHSE : l’amélioration réelle des pratiques. Ce phénomène, sournois mais répandu, porte un nom : le syndrome de la fiche Excel.
Derrière chaque tableau, une réalité oubliée
Dans de nombreuses PME, les démarches QHSE reposent sur des outils simples, accessibles et... rassurants. Excel en est le roi incontesté : plans d'action, matrices de risques, audits internes, fiches de non-conformité... tout s'y empile.
Mais à mesure que la pile de fichiers se renforce, une dissonance s’installe entre ce qui est consigné sur le papier et ce qui se vit réellement sur le terrain. Les indicateurs sont à jour, les revues de direction tenues, les procédures signées. Pourtant, les accidents stagnent, les actions correctives traînent et les équipes décrochent.
La pression de la conformité engendre un effet pervers : vouloir « cocher les cases » à tout prix. On remplit une fiche d’écart avant même de comprendre le problème. On programme des audits parce que le planning l’impose, pas parce qu’un besoin s’exprime.
Ce syndrome ne traduit pas une mauvaise volonté, mais plutôt une déconnexion progressive entre les outils QHSE et les hommes et femmes de terrain. Entre le formalisme et le sens.
Pourquoi traçabilité ≠ efficacité QHSE
La traçabilité est essentielle en QHSE : prouver que l’on maîtrise ses risques, que l'on agit sur les écarts, que l'on suit les standards définit une partie de la performance système. Mais elle ne doit jamais devenir une fin en soi.
À force de produire des documents, on oublie parfois qu’un plan d’action n’a de valeur que s’il est mis en œuvre. Qu’une analyse d’accident ne sert que si elle débouche sur une réelle prévention. Qu’un système ISO ne crée pas la qualité : il en est un facilitateur — pas un substitut.
Le syndrome de la fiche Excel apparaît précisément lorsque la traçabilité prend le pas sur l’efficacité réelle. Quand une action est considérée « traitée » parce qu'elle est « archivée », sans que son impact n’ait été évalué sur le terrain.
Dans de nombreuses PME, des responsables QSE jonglent entre des centaines de lignes Excel, qu’ils mettent à jour seuls. Le suivi devient une activité paralysante, presque réflexe. Or, viser l’efficacité QHSE, c’est recentrer les énergies sur l’action de terrain, pas sur le fichier partagé.
Réconcilier rigueur et impact terrain
Faut-il alors jeter les feuilles de calcul et abandonner la structure ? Bien sûr que non. L’enjeu n’est pas d’opposer rigueur et action, mais de les reconnecter.
Le défi des responsables QHSE aujourd’hui est de remettre le bon sens au cœur des démarches qualité-sécurité-environnement. Cela implique notamment :
- De co-construire les plans d’action avec les équipes terrain, plutôt que de les imposer.
- De privilégier des formats de suivi plus visuels, plus collaboratifs (ex. : panneaux d’animation, briefings sécurité).
- De donner plus d’importance au suivi des effets qu’au simple bouclage administratif des actions.
- D’intégrer les retours des opérateurs dans les analyses et les décisions QHSE.
- De piloter la conformité comme un moyen, et non comme un objectif en soi.
Revenir au terrain, c’est aussi redonner du sens aux démarches. Un système QHSE pleinement vivant répond à cette règle : il est utilisée par tous, pas uniquement porté par une fonction support. Cela suppose souvent de former différemment, d’accompagner le changement culturel, de revoir les outils et les indicateurs.
Le syndrome de la fiche Excel n’est pas une fatalité. Il peut être le déclencheur d’un repositionnement stratégique : celui où la conformité sert réellement la performance, et non l’inverse.
Et si vous passiez de la conformité à la performance ?
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